Le « Jeu » pour le « Je » !
Pourquoi le jeu est-il aussi important chez les enfants ?
Le jeu permet à l’enfant de se confronter au monde qui l’entoure.
Il est d’abord moteur, c’est ainsi que l’enfant appréhende l’espace. Il s’approprie les fonctions sensori-motrices de son corps. C’est par des actions répétitives que l’enfant perçoit le potentiel et les limites de son corps.
C’est par l’exploration de l’espace qui l’entoure et parce que l’enfant perçoit ses limitations, qu’il compense ces dernières. L’enfant constate, malgré ses efforts et ses progrès moteurs, qu’il n’arrive pas à obtenir ce qu’il veut.
Il compensera son incapacité, en utilisant une autre de ses compétences, par exemple, le langage et plus globalement l’interaction. La frustration pousse l’enfant à trouver des solutions. Cela ne signifie évidemment pas que l’enfant ne développe le langage que s’il se déplace.
Le développement de l’enfant se fait de façon simultanée : motricité ; langage ; émotion ; perception du monde ; de soi ; de l’autre…Cela signifie qu’il y a une grande intrication entre tous les domaines de développement.
Le jeu a une grande importance dans le développement de l’enfant. C’est en faisant l’expérience des règles, qu’il fait également l’expérience de la frustration. En effet, lorsqu’on joue, parfois on gagne, parfois on perd.
Il fait surtout l’expérience de l’interaction avec l’autre. Il doit prendre l’autre en considération et ne pas écouter que son désir. Il doit également pouvoir entendre que l’autre aussi a envie de gagner.
L’expérience de perdre n’est agréable pour personne. Nombre de parents font en sorte de laisser gagner l’enfant. Ce n’est pas lui rendre service que d’agir ainsi. Un enfant qui ne perd jamais, ne supportera pas de perdre lorsqu’il sera face à d’autres personnes moins complaisantes, comme des camarades d’école par exemple.
Sans règle, pas de jeu possible, on perd ses repères. Le jeu représente donc en miniature les relations qu’il établira avec les autres et la société. Pourra-t-il accepter les règles de l’école (milieu encore protégé), puis plus tard acceptera-t-il les règles de la société. Si on a toujours fait en sorte que cet enfant ne soit pas frustré, même si cela part d’un bon sentiment, ce n’est pas lui rendre service.
Comment faire si un enfant ne supporte pas de perdre ?
Il est tentant d’arrêter de jouer avec un enfant qui est mauvais perdant.
C’est un processus d’évitement. Si on ne joue plus avec un enfant mauvais perdant, on ne le confronte plus à sa frustration, donc plus de crise. C’est fonctionnel, sur le moment, mais cela ne règle en rien le problème d’intolérance à la frustration de ne pas gagner.
Il est important de lui montrer que ce n’est pas parce qu’on a perdu que le monde s’effondre, qu’on ne vaut rien, qu’on est nul ou qu’on n’arrive jamais à rien !
On peut dès lors lui proposer, dans un premier temps, un jeu collaboratif plutôt que l’un contre l’autre. Puis on peut faire des jeux où on le sait performant. Cela permet à l’enfant de se sentir en confiance. C’est lorsqu’on se sent en confiance que l’on peut accepter d’aller là où l’on est moins en confiance.
On peut également lui demander s’il comprend la raison pour laquelle il n’a pas gagné ( je n’ai pas employé le terme « perdu » volontairement) et surtout on peut lui demander s’il sait comment il pourrait faire pour gagner la prochaine fois. Ce faisant, on le met dans une position de réflexion active. Il ne « subit » plus le fait de perdre. Il devient actif pour une victoire future. Cela peut l’aider à supporter la frustration de ne pas avoir gagné.
On s’aperçoit, ici, que le jeu met en action les fonctions intellectuelles de l’enfant. Au-delà du jeu lui-même qui peut faire réfléchir (on trouve aujourd’hui une quantité astronomique de jeux éducatifs), on voit que le jeu met en œuvre l’idée de «comment on résout un problème ensemble ». S’il faut savoir supporter le fait de ne pas gagner à un jeu, il faut également savoir gagner avec humilité. Si on montre à son adversaire qu’on est le meilleur et que lui est nul, parce qu’il a perdu, il y a peu de chances que celui qui n’a pas gagné accepte de rejouer avec vous.
C’est parce qu’il y a des règles que l’on peut jouer ensemble. Plus largement, c’est parce qu’il y a des règles dans la société que l’on peut vivre ensemble ! C’est important que l’enfant comprenne cela.
Par le jeu, l’enfant fait l’expérience de l’autre. C’est le « jeu » qui permet à l’enfant de construire le « je ». C’est aussi parce que le « je » existe que le « nous » existe.
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